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Un  jubilatoire sur la « der des der » : la guerre de 14-18, celle qui ne devait durer que 15 jours. Facile, la guerre : « Si quelques hommes meurent à la guerre, c’est faute d’hygiène. Car ce ne sont pas les balles qui tuent, c’est la malpropreté qui est fatale et qu’il vous faut d’abord combattre. Donc lavez-vous, rasez-vous, peignez-vous et vous n’avez rien à craindre ». La belle affaire ! Ironie echenozienne : neuf millions de personnes sont mortes durant ce conflit. Coup de génie de Jean Echenoz qui nous la reconstitue, totale, en 124 pages, de l’intérieur, telle que sentie à hauteur d’homme. C’est raconté du point de vue de cinq gars du bon peuple – un comptable, un sous-directeur d’usine, un bourrelier, un équarisseur, un boucher – et de Blanche qui attend, enceinte, le retour de deux d’entre eux qu’elle aime. Tout y passe : l’allégresse patriotique des débuts, les marches sans fin vers l’ennemi, les tranchées, les premiers avions, les obus, l’utilisation des gaz lacrymogènes, les poux, les rats, les corps abîmés, déchirés. L’horreur, mais on sourit tout du long. Tout est dans le style. Il joue de l’énumération insolite pour

 notre plus grand plaisir. Voir la citation suivante, une tentative d’épuisement d’un lieu laissé à l’abandon par l’ennemi : « Les rues désertes étaient jonchées de
choses diverses et dégradées : on pouvait trouver là, par terre et qu’on ne ramassait pas souvent, des cartouches non tirées laissées par une compagnie momentanée, du linge épars, des casseroles sans poignée, des flacons vides, un acte de naissance, un chien malade, un dix de trèfle, une bêche fendue » (je souligne). Echenoz veut décrire la débrouillardise de l’affamé ? Un tableau surréaliste et un tantinet burlesque fait le travail : « Il arriva même que, poussés par la faim, techniquement assistés par Padioleau qui retrouvait plaisir à exercer sa vocation bouchère, Arcenel et Bossis taillassent quelques côtes à même un bœuf vivant, sur pied, le laissant ensuite se débrouiller tout seul ». Et c’est patiné d’un imparfait du subjonctif ! À lire pour le roulis de la phrase syncopée, jazzée, pour ses tournoyantes ellipses et le regard détaché, cinématographique et glacé que pose Echenoz sur la première guerre industrielle et sur la modernité.


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Une suggestion de lecture proposée par un lecteur de Montréal membre du club des Irresistibles du Réseau des Bibliothèques Publiques de Montréal partenaire des Médiathèques du Pays de Romans.

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